L'affaire est assez rare pour qu'on s'y penche. Rare d'abord par son objet, les litiges prud'homaux tenant à l'identité sexuelle du travailleur ne sont pas fréquents. Rare ensuite par son issue, car aux dires du Défenseur des droits 72% de ses observations devant les juridictions sont confirmées par ces dernières. Or, la divergence des raisonnements contenus dans l'arrêt rendu par la Cour d'appel d'Aix-en-Provence et la décision afférente de l'Institution atténue nettement cette affirmation. Elle rappelle avec force que les constatations du Défenseur des droits ne s'imposent nullement au juge. Enfin, la distension des positions retenues par l'autorité administrative et la Cour confirme que l'établissement de la discrimination dépend du régime probatoire institué et de son application. Par ailleurs, on doit souligner que la Cour d'appel et le Défenseur des droits ont envisagé séparément les qualifications de harcèlement et de discrimination au lieu de recourir à la notion de harcèlement discriminatoire. Et c'est seulement en guise de conclusion que la décision du Défenseur des droits fait allusion à cette qualification. Ce choix surprend et est susceptible d'influencer l'appréciation de la preuve. Ainsi, cette affaire offre-t-elle une occasion de s'interroger sur l'administration de la preuve, en mettant en perspective la position de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence et celle du Défenseur des droits. Cette question conduit à envisager successivement l'application de l'aménagement probatoire au harcèlement discriminatoire (I) et l'appréciation des preuves fournies par les parties (II).